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SABAS (2007/2009)

186 compositions photographiques (films argentiques 24 x 36 couleur)
20 tirages chromogènes en 50 x 60 cm, encadrés
20 tirages chromogènes en 60 x 90 cm, collés sur aluminium.

Même technique de reflets lumineux qu’en noir et blanc,
travail de la couleur avec l’utilisation de filtres.


La photographie ne peut jamais être «abstraite» puisqu’elle est toujours l’image de quelque chose qui existe. Personne n’a jamais découvert un truc pour photographier ses idées. Ce «spirituel dans l’art» dont a parlé Kandinsky ne peut signifier rien d’autre qu’une exploration de formes imaginaires qui doivent posséder quelque part dans le monde leur matière visible. Dans le réel, il ne peut y avoir de matière sans forme ni de forme sans matière.

La photographie a la vertu de nous rappeler qu’en peinture non plus il ne peut y avoir d’abstrait, mais seulement transmission d’une matière à une autre. En regardant autour de nous on pourra toujours y trouver quelque forme et couleur que ce soit. Lorsque nous feuilletons le livre de Ernst Haeckel, les Formes de l’Art dans la Nature, nous réalisons quel délire serait de vouloir rivaliser avec le Bon Dieu pour ce qui est d’inventer des formes. Notre imagination ne saurait jamais le rattraper.

Ce que nous qualifions d’abstrait c’est ce sur quoi nous ne pouvons mettre de mots. Nous avons une regrettable propension à croire que ce que nous ne pouvons nommer (dans notre langue) n’existe pas.

Or, nous sommes plongés dans une immensité foisonnante de réalités visuelles qui nous débordent. Le pouvoir de l’artiste n’est pas d’en inventer de nouvelles mais de choisir un univers en les découvrant, les triant, les suscitant, par le choix des angles, des distances, des optiques, des manières de regarder. La photographie, en économisant l’intermédiaire manuel, ce qui n’est pas un bien, compense en décapant ce qu’est la vérité ultime de la création.

A travers les formes et les couleurs surgies de l’infinie liberté du monde, l’artiste nous étonne en choisissant son propre monde. Sans en inventer de nouvelles, il peut faire surgir des formes inattendues en travaillant les reflets, les matières, toutes les façons d’apparaître de la lumière. A chaque fois que la nature réagit, elle lui apporte ce qu’il n’attendait pas, ce qu’il n’avait jamais vu mais ce qui était déjà là, en puissance, dans le réel.

(…) L’univers de Bernard Lantéri est habité de formes qui montent du fond en s’épanouissant. Leur visage de corolles vient à la rencontre du nôtre. Le feu et les fleurs s’y transforment l’un dans l’autre. Leur surgissement s’arrête juste au point où ces masses se volatiliseraient en explosion de lumière. Ayant perdu toute pesanteur elles flottent comme des méduses dans les fonds indéfinis de la mer.

Jean-Claude LEMAGNY     Pour l’exposition «Expériences sensibles», février 2009